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25 mortis 1077 - Journal d'Elena

Cher journal, les dragons sont courageux mais égoïstes, ce qui va bien avec ma décision. J'ai décidé de partir voir le monde, de mes propres yeux. C'est ce que Ghendry dit toujours, on ne sait vraiment que si l'on a vécu ce qu'il y a à savoir. Autrement ce sont des on-dits biaisés par l'expérience de chacun. C'est vrai, Arion ne m'en a jamais parlé de la même manière, que lui, tu sais bien.

J'ai envie de voir ce que le monde d'en bas a comme mystères et secrets. Je veux voir pour mieux savoir. Je veux être avec les Éphémères car ils ne m'ont jamais fait me sentir aussi vivante. J'aimerais que Zéphyr soit encore là, si j'en crois ce que je sais, il aurait adoré. Il sera dans mon cœur. Je pars demain, mes affaires sont prêtes et la hâte m'etreint. Je sais voler, maintenant. Alors la première descente se fera à vol d'oiseau. C'est un peu ma liberté à moi qui se mêle aux terres infinies et pleines de promesse.

J'irais à Sarosana, sur les décombres de ce qui rend Ghendry moins.... Enfin. Plus humain. S'il savait que j'écrivais ça ! Il m'enverrait voler pour ramener du bois pendant trois semaines. Mais il ne sait pas. T'es mon secret. Peut-être que je trouverai ma maman, j'imagine que les âmes liées se retrouvent toujours un jour. Alors on devrait se retrouver non ?

Oh j'ai peur aussi, je ne vais pas te le cacher. C'est si grand, si vaste, peut-être que je n'arriverai pas à m'intégrer... Mais j'essayerai de toutes mes forces ! Il paraît que là-bas, le plus rude des Lanjis est toujours plus chaud que le plus doux des moniac d'ici. Comment le monde peut-il être aussi chaud ?! Ils doivent brûler. C'est Arion qui me l'avait raconté ça. Il me manque tant... J'ai l'impression que c'était hier qu'on s'est rencontré, pourtant il a vieilli si vite. Je ne dois pas y penser comme ça. Il ne l'aurait pas voulu. Je dois continuer ma vie, et j'ai l'impression qu'elle commencera vraiment à partir de là, même si papa n'est pas content.

C'était dur de le convaincre, il a peur pour moi. Mais c'est comme ça. Il faut que je vole de mes propres ailes, les tempêtes viendront bien assez tôt. Je ne suis toujours pas sûre de comprendre ce qu'il a voulu me dire, mais tout s'éclaircira quand le temps sera venu. J'y crois. J'essaie d'y croire, même si je ne comprends pas tout. C'est important, tu sais. Ghendry en a rencontré beaucoup des tempêtes, il luttait contre elles ! Maintenant... Je ne sais pas. Le temps qui passe le rend différent. C'est un long vivant comme papa et moi, mais j'ai l'impression qu'il y a autre chose. C'est bizarre, de penser ça, non ?

 

Je sais pas. Il a l'air ailleurs. Comme s'il se plongeait dans une sorte d'autre monde, et dans celui-ci, il y a des êtres plus dangereux que les dragons ! Un jour, je te le promets, j'irais trouver Demporer pour te raconter comment elle est. Pas tout de suite, bien sûr, je ne connais pas assez de choses pour lui survivre, mais bientôt. D'abord le monde d'en bas. J'ai pris une carte ! Comme ça, je pourrais cocher ce que j'ai vu. J'espère que je me ferais pleins d'amis.

C'est vrai que je m'ennuie, ici, souvent. Le monde est si vide, et encore plus haut, là où il y a du monde, ils ne pourront pas m'accepter, de ce qu'on m'a dit. Je suis trop différente. Mais comme dirait papa, je dois en faire ma force ! Je serai la plus forte des différentes, jusqu'à ce que je devienne comme eux.

Je me répète mais je n'arrive pas à dormir - comme d'habitude. Enfin, ce n'est pas tout à fait pareil, d'habitude le sommeil me fuit, mais là c'est ma hâte qui le fait s'enfuir ! Ahah, pour une fois, c'est moi qui décide de ne pas dormir.

Le vent devrait être clément, les quelques nuages ne sont pas assez forts pour devenir un orage, ils sont tout doux. De gros coton, sauf qu'en les traversant, je finis juste trempée et glacée. Les apparences sont trompeuses, je dois faire attention à ne pas trop m'y fier. J'essayerai de tout te raconter, tout, tout, tout. J'ai hâte aussi de voir les champs de fleur, il paraît qu'il y fait si bon que des dizaines de fleurs peuvent pousser et fleurir. Ici, il y en a, mais elles sont rares. Elles doivent lutter contre le froid, alors forcément elles peuvent pas tout donner. Sauf Berthiana, papa s'occupera d'elle. Je voulais l'emmener mais il m'a expliqué que s'il fait trop chaud, elle mourra. J'ai eu très peur, parce que moi aussi je viens du froid. Imagine je descends et je meurs de chaud...

Papa m'a rassurée, c'est vrai que je suis plus solide qu'une fleur.

Alors j'irais voir Sarosana, et je sais pas ce que j'y ferais. Mais, je serais là. Et ça, ça compte. Je veux pas rester isolé, je veux voir les Éphémères. Je veux vivre tout ce qu'il y a à vivre, et en croisant leurs sentiers, ne jamais les oublier. C'est là tout l'intérêt d'être en vie, n'est-ce pas ? Si je dois vivre mille ans, autant que je me souvienne d'eux tous.